Son œuvre, son histoire, son influence sur la musique d’aujourd’hui
Chris Conty a traversé la pop francophone comme une étoile filante.
Novateur inconscient, visionnaire qui s’ignore, trop souvent pillé par ses pairs, il infléchit le paysage musical de cette fin de siècle et laisse à la postérité une œuvre troublante.
Né en 1946 à Bastogne, de Roger Gillebert, officier à la gendarmerie royale et de Antonella Conti, Christian Gillebert (de son vrai nom) traverse une enfance contrastée, mêlée d’ennui et de passion, d’attente et de voyage, de rupture et d’attachement.
Orphelin de son père très jeune, il suit une scolarité difficile en internat à Mouscron, et à coup de fugues répétées, acquiert une autonomie précoce.
1964 : Au casino d’Ostende, sur des standards d’Elvis Presley, puis sur ses propres chansons, il connaît ses premiers frissons de scène. Il travaille comme manutentionnaire sur la malle Ostende-Douvres, puis sur de plus longs courriers au départ d’Anvers.
D’Angleterre, où il vagabonde entre deux escales, il gagne une grande peine d’amour (Peggy Harrison), sa premère Fender Telecaster et une certaine idée de l’élégance.
En 1965, Bernard Béo écrit spécialement pour lui, “Triste à Saint-Tropez” apparaît sur le premier L.P. de Chris Conti, puis sur le 1er album “Fleur tu demeures” (Vander records) qui restera une chanson clé de son tour de chant.
1966 : Il gagne lors du crochet radiophonique de RTL présenté par Zappy Max, l’opportunité d’enregistrer chez Vogue Belgique son premier 45 tours EP “Si un jour” de Steve de Greef et Jean-Pierre Willems, “Tu partiras” de Alain Joël et Catherine Lemaigre , « Triste à Saint Tropez » de Bernard Béo, et « Tonio, mon frère », écrit par Chris lui même.
C’est le début de la première partie de sa carrière, son époque “variétés”. Sur la pochette, Chris Conti (avec un i à la fin !) est souriant, les cheveux un peu plus court qu’un Beatles, sage.
Le disque passe en radio et connaît un succès honorable.
1967 : Chris Conty veut défendre ses propres chansons. En désaccord avec la maison de disque, il s’en sépare. L’aventure avec Vogue en reste là et Chris va chanter ses chansons dans les cabarets et aux portes d’autres labels.
A Londres, il fait connaissance avec David Bowie lors d’une performance de Lindsey Kemp. Une rencontre fulgurante et irréelle qui dure l’espace d’un week-end, mais laissera son empreinte dans le parcours de Chris Conty.
1968 : L’oncle de Chris Conty se lance dans l’aventure du disque. Il produit un groupe de jeunes lolitas « Les Dolls » dont la chanteuse est sa fille de 14 ans, Fabienne. Il demande à Chris d’écrire les chansons du 45 tours (face A :Les garçons, face B : Les filles », Vander Records). Le disque connaît un succès régional.
Pour Chris Conty, aucune signature concrète ne se profile.
Octobre 1969 Chris Conty sort son premier 33 tours (Fleur tu demeures, Vander Records), produit par son oncle. Mais en février 1970, suite à un violent désaccord entre l’artiste et le producteur, le disque est retiré de la vente et tout le stock est pilonné.
On le retrouve en 1973 comme backliner de l’Opéra Rock « La révolution Française » au Palais des Sports. Il y rencontre Alain Bashung, Dany, les Martin Circus, les frères Balavoine, Tony Marshall, Hervé Christiani… Il se lie d’amitié avec Michel Fugain qui lui propose d’intégrer le big bazar. Mais Chris Conty n’est pas tenté par l’aventure communautaire. Il garde cependant une bonne relation d’amitié avec lui.
1973, il signe chez AZ pour un 45 tours(« Je ne veux pas dormir » écrit avec Emile Bag), suivi de son premier album-phare :
« Je ne connais que ce cri ». Un album éclatant de jeunesse et de maturité, d’unité et de contrastes, de cohérence et de contradictions. Chris Conty le mystique y chante l’anarchie, Chris Conty le fougueux y prône la non-violence, Chris Conty le visionnaire y suggère ses tourments à venir…
C’est la période dorée de Chris Conty.
La presse est excellente, les concerts sont fréquents et fréquentés, les émissions de télé se succèdent, mais la maison de disque attend plus…
Janvier 75 : il enregistre chez flèche un 45 tours « Jolie Poupée », dans le but de présenter le concours Eurovision en avril 75 pour le grand duché du Luxembourg. Mais Chris refuse de passer les dernières présélections.
Février 1976 : dans un accès opportuniste, Chris Conty écrit et enregistre avec les « Naked Singers » (chorale pacifiste nue) : « Nous soussignés ». Mais leur collaboration fait long feu.
Novembre 76 : le 45 tours : « l’enfer c’est toi» écrit encore avec Emile Bag, révèle une face d’ombre de Chris Conty
Février 77 : L’autostoppeur. En duo avec une de ses choristes (Angie), Chris affiche une légèreté qui ne laisse rien apparaître de la dépression qui le ronge.
Juin 77 : Chris Conty chante en première partie de Adamo à Tokyo. Il est remarqué par Tatsuji Nagataki qui voit en lui un possible concurrent de Michel Polnareff.
Novembre 77 : Chris Conty fait une tournée furtive (5 dates) au Japon. Désappointé par le mode de réaction du public japonais, pudique et réservé, il avorte la fin de la tournée.
Mars 78 : Chris Conty tente de mettre fin à ses jours par défenestration du haut de sa chambre d’hôtel.
Sa tentative de suicide défraie la presse à scandale. Divers motifs sont invoqués.
Interné en clinique privée pendant plusieurs mois, il se lie d’amitié avec Hervé Dietrich, un pensionnaire de longue date, musicien paraplégique, qui l’initie aux nouveaux courants électroniques allemands.
Chris Conty disparaît de la scène médiatique pendant deux ans et demi.
Lâché par sa maison de disque, sans le sou, il retourne à Bruxelles où il retrouve Fabienne, dans une relation épisodique et torturée.
Janvier 1980, Christian Gillebert reçoit son relevé de droits d’auteurs et n’en croit pas ses yeux : le pactole ! Sa chanson « Tout recommence », face B de son quatrième 45 tours est un énorme succès au Japon !
Fort de cette nouvelle arme, il multiplie les voyages à Berlin ou il crée de nouvelles collaborations artistiques et décide d’auto-produire son prochain opus.
Octobre 1980 : l’album s’appelle « Partance » mais ne trouve pas de distribution.
Chris Conty refait quelques apparitions dans des salles alternatives, à Berlin, à Liège, à Paris, …
1981 Son album n’est toujours pas réellement distribué. Dans le creux de la vague, Chris Conty cherche d’autres voies, donne de moins en moins de nouvelles. On perd sa trace dans la banlieue de Berlin en octobre 81. On l’a vu demander son chemin, un plan de métro, puis plus rien. Dans la chambre d’hôtel qu’il louait à la journée depuis 17 jours, il n’a laissé qu’ un sac de sport avec des chaussures, un rasoir mécanique et un petit ours en verre emballé dans du papier…